MASSACRE A LA FRITEUSE

CINEMA

La censure, l’ignorance, la peur de regarder la vérité en face dans les médias traditionnels ont conduit Internet à se faire le porte-parole des causes perdues. Attirons donc l’attention sur les ravages causés par la surreprésentation cinématographique des gens du Nord sur la psyché d’une jeunesse DVDvore.

Psychologues et pédopsychiatres se penchent sur le cas de Félix, francilien de 15 ans, depuis de très longs mois. A les entendre, ils n’auraient pas encore tout tenté, mais se trouveraient bien seuls, dans leur impasse scientifique. En cause : Tout d’abord, l’immobilisme et le manque de moyens dont souffre la recherche française. Ensuite, le caractère particulièrement honteux que revêt la pathologie dont souffre le jeune homme dans ce monde de tolérance et d’amour. Enfin et surtout, l’obstination criminelle des producteurs, réalisateurs, distributeurs de films d’horreur et autres frères Dardenne, lesquels ont choisi de porter à l’écran la beauté d’un monde rustique et gouailleux.

Cette pathologie moderne, celle qui a récemment frappé le jeune Félix, les spécialistes lui ont trouvé un nom : La « chtite spongiforme ». Une référence à l’état spongieux du cerveau bovin atteint de la maladie de Creutzfeldt-Jakob mais une réalité bien plus complexe. Car sous ce seul nom : Une même maladie, une même douleur, un même élément déclencheur, mais deux formes antagonistes et bien distinctes de la chtite.

"Le syndrome Patrick Sébastien"

Première forme, la plus connue et la plus fréquemment observée, touche d’abord les sujets entrés en contact direct ou indirect avec le long-métrage de Dany Boon. Chez ces patients, réceptifs, bienveillants, s’adonnant volontiers à une forme sévère d’empathie pour d’une population dite « accueillante et chaleureuse », on observe l’apparition d’une joyeuseconfusion entre les termes « populaire » et « populiste ». Cette confusion s’accompagne alors, dans l’immense majorité des cas, d’un sentiment de fierté excessive, décomplexée, assortie d’une rancœur profonde envers ce que ces patients appellent « l’élitisme parisien ». Une confusion que les médias, trop heureux de pouvoir se départir de cette image négative, n’auront fait qu’accroître, en accentuant les dégâts du bien connu « syndrome Patrick Sébastien »

Moins consensuelle et plus rare est la seconde forme de chtite spongiforme, celle dont est atteint Félix. Malade parmi d’autres, Félix X. pour ne pas le nommer, présente en effet, selon toute vraisemblance, les symptômes les plus profonds de cette maladie orpheline. Et l’histoire de ce tout jeune homme est édifiante.

Félix, trop jeune, n’a pas eu à subir le mythique Deliverance de John Boorman, un film américain de 1972 dans lequel des campeurs se retrouvent confrontés à l’horreur d’un monde rural et haineux. Certes, Félix aime les films d’horreur, mais ne leur voue pas pour autant une passion. Ses parents ne l’ont pas abreuvé, du moins pas intentionnellement, de films de genre. Tout juste l’auront-ils encouragé à se frayer un passage au milieu de ces centaines d’œuvres scandaleuses qui ont émaillé l’histoire du cinéma. Des précautions qui n’auront sans doute pas suffit…

Car, en cette froide soirée de décembre 2008, le jeune Félix, qui n’a jamais été capable de faire le tri dans ses références culturelles, patiente dans l’obscurité d’un bourg de l’Eure, guettant l’arrivée d’un convive à quelques pas du grand portail. Cerné par les sons inhabituels provenant de la forêt qui surplombe le patelin, il subit nerveusement, tanguant d’un pied sur l’autre. Après quelques minutes d’attente, l’impatience s’accentuant, ses yeux se trouvent soudain sollicités par des lumières de phares. Il se pense proche de la libération, se précipite vers ce qu’il croit alors être le véhicule qu’il est en charge d’aiguiller, malheureusement, tandis qu’il pense faire signe au conducteur, les deux faisceaux lumineux se dissocient tout à coup l’un de l’autre. Félix, sans pouvoir réagir, comprend tout juste d’où proviennent les bruits affreux qui accompagnent l’avancée de la lumière…


Deux mobylettes, roulant plein gaz vers lui, le frôlent littéralement. Les hurlements agressifs des pilotes couvrent de leurs aiguës le barouf des pots d’échappement débridés. Félix, pour la première fois de sa courte vie, se retrouve confronté à cette peur panique, dite du « Chti », premier et plus violent symptôme de la terrible affliction qui le touche. « Il en a tremblé pendant des jours » expliquera son père interloqué. « Pourtant, nous ne passions pas la soirée dans le Pas-de-Calais, mais à 70 km à l’ouest de Paris ! »

"Du seuil épidémique au seuil pandémique"

Croquemitaine moderne, le Chti, dans sa dimension mythologique, n’incarnerait donc que notre part obscure, que ce soit aux yeux de Félix ou aux yeux de tous ceux pour qui la phase d’incubation aura été la plus pénible. Nous sommes bien loin de la première forme de chtite, collective celle-là, qui coïncide avec cette longue période d’exposition au film de Dany Boon ainsi qu’avec la sortie récente du DVD, laquelle aura fait passer la Chtite spongiforme du seuil épidémique au seuil pandémique.

Non, dans ce cas précis, il s’agit bien de la figure fantasmée du Chti. Car, au-delà de cette pathologie du premier degré, l’abus de films d’horreur s’ajoutant, certains sujets, les plus atteints, sont passés, comme Félix, d’une phase d’empathie affective régressive à une répulsion phobique liée à toute forme d’évocation et de représentation chtie. Des films comme Sheitan, La colline a des yeux, Détour Mortel, Massacre à la Tronçonneuse, Turistas, Hostel I et II, ou encore un célèbre épisode de la série X-Files intitulé « la Ferme Rouge » ont été considérés comme des facteurs responsables du processus infectieux.

Faut-il encore discerner les trois aspects relevant de la représentation chtie. Tandis que ceux, patients du premier groupe, pour qui la maladie ne semble pas causer d’autres souffrances qu’intellectuelles, se représentent le Chti comme un personnage débonnaire, heureux, simple ou franchement lourdingue, ceux, comme Félix, pour qui il s’agit d’une figure narrative abstraite se réfèrent à la désormais célèbre banderole de supporters clamant :« Chomeurs, pédophiles, consanguins : Bienvenue chez les Chtis ! ».

"sur le terrain post-11 septembre du très fédérateur « Le-tiers-monde-nous-en-veut »"

Aussi, bien que les représentations cinématographiques aient souvent troqué la dimension pédophile contre une dimension nécrophile, les films d’épouvante ont grandement participé à la création d’une figure mythologique, moins liée à des critères géographiques qu’à des critères sociaux ou génétiques. Par exemple, le film « La colline à des yeux », exploite la thématique de la consanguinité, en créant, sous les traits de dégénérés nucléaires, ce qu’il convient d’appeler le "Chti d’Arizona".

Détour Mortel exploitant le même filon, Hostel ou Turistas s’aventurent davantage sur le terrain post-11 septembre du très fédérateur « Le-tiers-monde-nous-en-veut ». Dans ces divers cas, dégénérescences physiques et sociales sont intimement liées. Elles personnalisent le fantasme d’une communauté repliée sur elle-même, au propre comme au figuré, perpétuant l’horreur d’une société auto-régénérée retournant à l’état primitif et agressif de l’homme. Cette vision du Chti, au sens mythologique, constitue bien le cauchemar absolu de Félix et de tous ceux, touchés par cette forme violente de la maladie. Ceux-ci ne peuvent se résoudre à une vision bienveillante d’un monde sinistré, peuplé de corps et d’esprits sinistrés.

En l’état actuel des recherches, une seule certitude scientifique : La déclaration que le Président de la ligue de football avait formulée, en réponse à l’indignation suscitée par la fameuse banderole des supporters du PSG à l’encontre de leurs homologues Lensois, aurait constitué l’élément déclencheur de cette vague de phobie. En déclamant solennellement, la moustache en éveil, ce si poignant « Nous sommes tous des Chtis », Frédéric Thiriez allait bientôt conduire le jeune Félix à se faire interner dans le service spécialisé du célèbre pédopsychiatre, Marcel Ruffo. Une assimilation si terrible, qu’elle avait eu raison d’un patient trop jeune, et sans doute trop fragile.

Photo: Detour mortel 2, D.R.




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