L'ETRANGE DISQUE DE MONSIEUR POP

MUSIQUE

Iggy Pop revient donc avec Préliminaires, album solo censé éloigner le vieil iguane de son punk fétiche. Un joli coup marketing, un détournement bien flairé et un patrimoine génétique sans anomalie ni malformation congénitale. Séquençage A.D.N. du beau bébé...

35% Stooges. Au test à l'aveugle, après quelques tâtonnements et quelques hésitations embarassées, on finit tout de même par le reconnaître, le petit bonhomme aux côtes saillantes. La classification musicale a peut-être bougé, les rides se font surement plus profondes, mais les vieux ectoplasmes de Stooges flottent encore quelque part dans le studio. Rien à faire : Quand bien même Iggy se mettrait à nous pondre du Marvin Gaye, l'époque dorée de Lust for life resterait indélébile ! Et ce, d'autant que Préliminaires serait un hommage à peine voilé à Ron Asheton, membre des Stooges décédé il y a peu.

30% Houellebecq.
Sans doute inopérante dans le reste du monde, en France, la carte Houellebecq a pourtant été jouée à fond. Iggy l'a dit, redit, re-redit. Il l'a clamé sur tous les plateaux télé et on a fini par le croire : Préliminaires a été inspiré par Michel Houellebecq, le best seller qui se rêvait en paria. On peine bien sûr à imaginer Iggy Pop en survet dévorant sagement La possibilité d'une île,
verres progressifs vissés sur le nez, affalé sur son canapé en tweed. Mais après tout, puisqu'il le dit... Les feuilles mortes "chantées" en français et la voix de Lucie Aimé sur Je sais que tu sais devraient suffire à nous convaincre.

20% Tom Waits
. Pas besoin de chercher bien loin le gène récessif de la voix rauque et envoûtante. Tabac, drogues, et hygiènes de vie déplorables permettent la plupart du temps d'échapper au syndrome Mistinguette, mais suffisent rarement pour valider la parentée musicale avec Tom Waits. Non, dans le cas d'Iggy Pop, les rythmes lents et métalliques tout comme les mélodies plus jazz que rock incitent clairement à la comparaison.

15% Marketing pur.
Ce revirement artistique est aussi, à n'en pas douter, un revirement commercial. A 62 ans, Mister Pop semblait figé (tant physiquement que musicalement) dans une mythologie punk pantouflarde. Et de son propre aveu, Iggy en avait ras le bol "des guitares qui hurlent sur des trucs débiles". Et, ça tombe bien. Cette même mythologie punk semble être entrée dans un cycle d'essoufflement que Préliminaires tente de contourner. Plus androgyne, plus doux, plus élégant, plus facile d'accès, l'album décevra moins les réac du "popisme" originel qu'il ne se fera d'amis dans la bobosphère musicale.


(Préliminaires, Iggy Pop, Virgin/EMI)
Photo D.R.

5 commentaires:

Anonyme a dit…

C'est vrai que c'est pas mal. Mais tout n'a pas changé; crertains titres sont assez proches de ce qu'il faisait avant. En tout cas, lui, il est encore en vie ( :-/

Capucine Courtois a dit…

Tout à fait conquise par cette voix rauque unique et ravie qu'il se soit délesté des guitares hurlantes. Beaucoup plus réservée quant à son accent français (aussi approximatif que la reprise des feuilles mortes par Sting).

Benjamin Heil (Lunar Park) a dit…

Assez d'accord avec ton analyse condensée, Capucine, a ceci près que je n'ai jamais dit que je cautionnais les feuilles mortes en français. (Pas plus qu'autumn leaves, la version en anglais). Sinon, même longueur d'ondes...

Tode a dit…

Iggy l'immortel......

Anonyme a dit…

Reste quand même à préciser qu'à l'époque dorée de Lust for Life (sorti en 1977), les Stooges sont séparés depuis presque 3 ans ;-)